Pourquoi les français consomment des cuisses de grenouille ?
Réputée dans la gastronomie française, la cuisse de grenouille se consomme majoritairement au restaurant ainsi que dans un cadre familial, historiquement au sein des régions humides telles que la Dombes, le Jura ou la Vendée, régions où étaient traditionnellement pêchés ces amphibiens (Conseil National des Arts Culinaires, 1995).
Les cuisses de grenouilles se consomment cuites, souvent à la poêle avec du beurre, de l’huile d’olive et une persillade. D’autres recettes régionales existent : en ragoût, frites en beignets, en potage, en fricassée, ou encore poêlée avec de l’ail.
La viande de grenouille est très maigre et riche en protéines, fer, iode, zinc, sels minéraux et vitamines. De plus, cette viande étant longue à décortiquer et donc à manger, elle peut être intéressante pour les personnes souhaitant perdre du poids. (QOOQ, 2017 ; Futura, 2018)
Les restaurateurs proposent de la grenouille par passion et par tradition. C’est un produit de luxe car l’approvisionnement est devenu difficile avec les mesures de protection des zones humides. Si l’élevage se développe il ne suffit pas.
A l’heure actuelle, la consommation française est estimée à 60g par an et par personne, juste un peu moins que la caille + le pigeon. Très très très loin derrière le poulet, dont nous consommons chacun 20kg par an.
D’où viennent les cuisses de grenouilles consommées en France ?
La pêche de grenouilles a été interdite en France en 1979. Elle n’est aujourd’hui tolérée que pour le loisir et à des fins non commerciales dans un but de conservation des espèces locales (legifrance, 1979).
Alors l’approvisionnement est à ce jour majoritairement de l’importation.
4000 tonnes de cuisses de grenouilles surgelées et 400 tonnes de cuisses de grenouilles fraîches sont consommées chaque année en France (SMEL, 2017).
- Les cuisses congelées proviennent principalement d’Indonésie où les grenouilles sont d’origine sauvage, prélevées dans les zones humides puis transformées sur place, congelées et exportées souvent vers la Pays-Bas et la Belgique avant d’arriver en France. C’est un long voyage, peu respectueux des valeurs sociales et environnementales d’aujourd’hui. Pour autant, ce produit arrive peu cher en France : autour de 15€/kg.
- Les cuisses fraiches sont préparées dans des ateliers français qui importent des grenouilles majoritairement de Turquie, d’Azerbaïdjan, d’Égypte et d’Albanie où elles sont pêchées. Ce sont des cuisses devenues françaises, servies dans les restaurants gastronomiques, plus respectueux de la traçabilité, de la fraicheur et de l’artisanat français. Ce produit travaillé en France coûte plus cher, environ 55€/kg. Pour autant, les grenouilles viennent d’ailleurs.
- Cinquante tonnes de cuisses sont issues de pêche française dans les étangs de Franche Comté. C’est une activité saisonnière, traditionnelle, et hautement réglementée par les autorités (articles 411-2 et R. 411-6 à R. 411-14 du code de l’environnement).
Les importateurs relatent une baisse des approvisionnements, car les pays progressivement régulent la pêche dans les zones humides. Il est probable que ces pays interdisent finalement la pêche, tout comme l’ont fait la France en 1979 et l’Inde et le Bangladesh en 1987. Ce même avenir semble se profiler en Indonésie, principal exportateur de cuisses de grenouilles.
Face à ce contexte d’importation, on peut se demander pourquoi l’élevage de grenouilles ne s’est pas encore développé en France, d’autant plus que l’argument du « Made in France » semble intéresser de plus en plus de consommateurs français. L’INRA a débuté des travaux de recherche pour domestiquer la grenouille dans les années 80. L’élevage se développe petit à petit en France, avec des valeurs sociétales et environnementales fortes.
Est-il vrai que les grenouilles sont abattues conscientes ? Et donc qu’elles souffrent ?
Dans la nature les batraciens hibernent, c’est-à-dire que leur métabolisme se réduit fortement durant la période hivernale. C’est ce mécanisme qui est mobilisé pour l’abattage : les grenouilles sont mises en hibernation par le froid puis abattues. Elles ne sont donc pas conscientes et ne souffrent pas. Cette méthode est la plus efficace trouvée à ce jour pour les batraciens, et autorisée par les services vétérinaires nationaux.
Comme tout produit, il existe des règlements sur la manipulation et la préparation des grenouilles destinées à la consommation afin de garantir la sécurité alimentaire des produits : le règlement européen n° 853/2004 régit l’hygiène des produits et le règlement n° 2074/2005 régit les conditions de transport. Plus récemment, la DGAL direction générale de l’alimentation, a promulgué une instruction technique (DGAL/SDSSA/2019-380) régissant les méthodes de mise à mort et transformation.
Qu’est ce qui est fait de ce qui n’est pas consommé ?
En France seules les cuisses de la grenouille sont consommées. C’est ce que les restaurants appellent la coupe parisienne. Cependant en région Rhône-Alpes la coupe lyonnaise est préférée : toute la carcasse est cuisinée.
A ce jour, ce qui n’est pas consommé n’est pas utilisé. Plusieurs projets sont en cours pour valoriser la peau en cuir ou en cosmétique comme au Brésil, ou même en lutte contre les nuisibles en agriculture ! Enfin des blocages réglementaires restent à lever pour pouvoir valoriser autrement ces co-produits.